Ameline
ne sort jamais sans son grand parapluie. Qu'il neige, qu'il pleuve,
qu'il vente ou qu'il fasse du soleil, son parapluie pend toujours à
son bras.
Il
est en tissu d'un beau rouge vif et Ameline en est très fière.
Tous
les matins, elle le sort de son porte-parapluie où il trône avec
quelques autres spécimens moins prestigieux, et chaque soir elle le
range bien précautionneusement.
Ce
parapluie se transmet de génération en génération depuis la nuit
des temps. Elle a toujours vu sa grand-mère puis sa mère le tenir à
son bras, mais elle n'a aucun souvenir du parapluie déployé. Sa
curiosité en prend un coup. Mais elle veut suivre la tradition et
fait donc de même.
En
plus du parapluie, Ameline a hérité d'une somme d'argent rondelette
et de la maison familiale. Elle ne travaille pas et s'occupe en
jardinant, lisant, rendant service.
Elle
dépanne sa voisine, une femme âgée percluse de rhumatismes en lui
faisant un peu de ménage et en préparant les repas. Et même là,
elle prend son parapluie, le pose près d'elle, le garde toujours à
l'oeil, et repart bien entendu avec lui.
Ameline,
bien sûr intriguée de voir ce parapluie inemployé depuis si
longtemps, avait maintes fois essayé de savoir pourquoi il restait
toujours fermé. Sa mère, lassée par l'insistance de sa fille, lui
avait un jour répondu : " c'est parce que c'est un
parapluie magique. On ne doit pas l'ouvrir à tort et à travers,
mais avec parcimonie et pour une juste cause ".
Puis
elle avait clos le sujet de façon définitive bien qu'Ameline désira
en savoir plus.
Pourtant,
un jour, n'y tenant plus, Ameline décide d'en avoir le coeur net :
son parapluie est-il vraiment magique ou non ? Sa mère lui a
t-elle raconté un bobard pour lui clouer le bec ? Mais alors,
si c'est le cas, pourquoi trimballer cet objet tous les jours et en
toutes occasions ?
Alors,
pour satisfaire sa curiosité, elle décide d'aller dans un endroit à
l'abri des éventuels regards indiscrets. Elle se dirige tout
naturellement vers le bois au bout du village. C'est un havre de paix
qui l'accueille : plus de bruits de voiture ou de gens ;
seul le silence est coupé par des chants d'oiseaux.
Dans
la clairière où le tapis herbeux est comme du velours, elle se dit
que c'est l'endroit idéal pour déplier enfin le parapluie. Elle
aimerait bien qu’il y ait des fleurs, et elle pense aux beaux
bouquets qui pourraient agrémenter les maisons.